Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
R é t i n e s
5 novembre 2021

Fast & Furious 9 (Justin Lin, 2021)

Par Jean-Paul Lançon

Suite de la rubrique parrainée par Cinetrafic. Le principe est simple : ils nous envoient gratuitement un film en DVD (fourni ici par un Universal Pictures), et nous nous engageons à en rédiger une critique.

banner

Fast (Food) and forward

« Supersize me ! » pourrait être la devise de cette franchise plombée au Vin Diesel et pour laquelle la touche fast forward de votre télécommande semble avoir été inventée. Ne cherchant pas un instant à comprendre le scénario, cette fonction bénie m’a autorisé un accès rapide et efficace aux scènes d’action, car après tout, on ne va pas faire semblant de s’intéresser aux dialogues. C’est un peu comme si on s’attardait sur une salade verte avant de s’empiffrer avec un triple cheese burger. (C’est ainsi que j’ai mis du temps à comprendre que la femme de Vin Diesel dans le film n’était pas sa sœur, mais bon, ça c’est une autre histoire.)

Pourquoi s’intéresser à un tel rouleau compresseur de l’industrie ? C’est qu’à mon sens Fast & Furious 9 incarne la quintessence du projet de cinéma hollywoodien contemporain, la formule magique et infaillible du blockbuster survitaminé, son hypertrophie à la fois hilarante et monstrueuse, son stade terminal mais aux limites sans cesse repoussées, comme l'incarnation du mythe de la Frontière sous la forme d'un pur spectacle. On sent bien que les derniers liens qui rattachent encore ce cinéma à une forme quelconque de réalité sont en train de se rompre, au point que le cinéma d’animation numérique hante chacun de ses plans.

left-to-right-villains---armory-truck-han-mia-s-2020-toyota-supra-villains---the-armadillo-dom-s-1968-mid-engine-charger

Dixième opus de la franchise (et non pas neuvième — ne comptez pas sur moi pour expliciter ce mystère), ce mastodonte calibré pour le bourrage de multiplexes péri-urbains empile sans vergogne tous les clichés du genre, en s’appuyant sur la structure narrative des séries TV, ce qui explique sa durée de 2h20 totalement déraisonnable par rapport au sujet, mais tellement bien calibrée en terme de marchandise : la phrase préférée du vendeur de poisson n’est-elle pas « je vous en mets un peu plus ? » ; mais au fond, 2h20 ou 1h10, ou encore 3h40, peu importe et il est fort probable que les trois se regarderaient de la même manière : une main sur la canette de coca et l’autre au fond du seau à pop-corn. Et alors pourquoi pas ? Me rétorquera-t-on. Oui, rien de mal à cela, si l’on ne cherche pas à savoir si il s’agit, en tant que forme, de cinéma, de TV, de série ou d’autre chose encore.

Avant de répondre à cela, regardons à qui s’adresse la « chose ». 

photo 2 - copie

Une analyse socio-économique aussi rapide qu’arbitraire nous autorise à statuer que, suite à une féroce compétition darwinienne, les franchises de cinéma d’action semblent s’être départagé les cibles marketting de la manière suivante : upperclass (ou imaginaire upperclass) pour les James Bond ; intellos CSP+ pour les Mission Impossible ; nerds et suburbs pour les Marvel ; classes populaires pour Fast & Furious 9.

Et ce n’est donc pas un hasard si John Cena a rejoint le casting du numéro 9 (comme avant lui Dwayne Johnson), car son nom est synonyme de la WWE, colosse médiatique du catch américain, dont il fut le hérault planétaire dans les années 2000.

Aussi, passées les réserves sur la nature cinématographique de l’objet, je pense sincèrement qu’on ne peut vraiment comprendre et apprécier Fast & Furious 9 qu’en retrouvant l’état d’esprit qui préside à toute bonne émission de catch. A savoir :

  1. photo3

    Tout est truqué, scénarisé, et toujours over the top, nous en avons conscience, et cela pour notre plus grand plaisir. Cas d’école : l’avion à réaction qui récupère la voiture de Cena en plein vol. Âge mental du scénariste : 8-10 ans (âge qu’on regrette souvent sans oser le dire). 
  2. Comme dans une attraction foraine, les affects les plus simples (jalousie, amour, vengeance, traîtrise, etc.) produisent les meilleurs numéros. La course de voiture entre les deux frères ennemis, malgré sa sidérante puérilité, frôle la perfection dans le genre. 
  3. Plus les acteurs jouent naïvement et en rajoutent, plus le spectateur exulte. John Cena aurait sans doute fait une grande carrière d’acteur au temps du muet, son expressivité est exemplaire, et il surjoue presque naturellement, toujours à la limite du cabotinage. Inversement, un mauvais acteur (Vin Diesel) peut se reposer sur un accoutrement minimaliste (T-shirt moulant, croix ostentatoire), et voix caverneuse pour sur-viriliser son personnage de façon unidimensionnelle (le catch a toujours besoin d’une brute). 
  4. Axiome intangible : il n’existe pas de conflit qu’une bonne baston ne puisse résoudre sainement. 
  5. La bêtise des personnages, au lieu de discréditer le spectacle, en est la condition. Comme au cirque, on n’imagine pas un clown philosopher ou jouer juste. Gloire donc à Vin Diesel et son insondable bêtise, déguisée en orgueil, comme tant de catcheurs avant lui. (On suggère pour un prochain épisode qu’il suspende un logo Mercedes autour de son cou, pas sûr qu’il voie la différence avec un crucifix.)
  6. Le déluge d’hormones : il s’agit de représenter la force, autant par les moteurs V8 que par les biceps. Fast & Furious 9 est un peu le Spring Break du line-up hollywoodien, un déferlement de testostérone estival, avec ses semi-remorques qui se dressent à la vertical, et ses corps parfaitement taillés pour une débauche… d’action.
  7. Les femmes : sexy mais viriles (donc quand même pas trop différentes des hommes, sinon elles deviendraient menaçantes, ce qui définit à peu près la méchante Charlize Theron).
  8. Attention les enfants regardent : il faut rester sous la barre du PG-13. La violence doit donc être mimée et ses conséquences réelles occultées. « On joue ». Ceci est parfaitement cohérent et compatible avec les spectateurs adultes qui ont de toute façon retrouvé leur âme d’enfant pour apprécier le spectacle. 

On aurait donc tort de mépriser Fast & Furious 9, et de le condamner pour ses excès de bêtise ou de mauvais goût, car à sa manière il renoue avec une certaine conception du spectacle populaire. Certes, comme un joint mal dosé, comme un tour de Space Mountain après un repas chez KFC, ou comme une vidéo gonzo sur Youporn, ce film nous promet l’extase et nous laisse avec un vague sentiment de nausée. Mais que celui qui n’a jamais vibré au son d’un tube de rap même le plus vulgaire, ou succombé à l’appel d’un vieux kebab-frites un soir de cuite, me jette la première pierre.

 

a0003808

« Fast and Furious 9 » de Justin Lin (États-Unis, 2021)

Avec : Vin Diesel, Michelle Rodriguez, John Cena...

On pourra voir Fast and Furious 9 en DVD, Steelbook Blu-Ray, Steelbook 4K UHD & Blu-Ray version cinéma + version longue, et coffret 9 films Fast & Furious le 17 novembre, et en édition digitale le 14 novembre (éditeur : Universal Pictures France / Facebook / Twitter)

https://www.cinetrafic.fr/film/61381/fast-furious-9

Crédits photo : Universal

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité
R é t i n e s
Décennies

1900s / 1910s / 1920s / 1930s / 1940s / 1950s
1960s / 1970s / 1980s / 1990s / 2000s / 2010s
2020s

Géographie

- Amérique du nord
: Canada / Etats-Unis
- Amérique centrale / Amérique du sud : Argentine / Brésil / Chili / Colombie / Mexique
- Asie : Corée du Sud Japon / Taïwan / Thaïlande
- Europe : Allemagne / Croatie / Danemark / France / Grande-Bretagne / Grèce / ItalieNorvègePays-Bas / Portugal / Russie / Serbie /  Suisse
- Océanie : Australie

Entretiens
Archives
Visiteurs
Depuis la création 33 886
Newsletter
Publicité